Письмо Лермонтова Лопухиной М. А.


<15 Fevrier 1838 г.>

Je vous ecris, chere amie, la veille de m'en aller a Novgorod;
j'attendais jusqu'a present qu'il m'arrivat quelque chose d'agreable pour vous l'annoncer, mais rien n'est venu; et je me decide a vous ecrire que je m'ennuie a la mort; les premiers jours de mon arrivee je n'ai fait que courir — des presentations, des visites de ceremonie — vous savez, puis je suis alle chaque jour au spectacle: — il est fort bien c'est vrai, mais j'en suis deja degoute; et puis on me persecute: tous les chers parents! — on ne veut pas que je quitte le service, quoique je l'aurais pu deja, vu que ces messieurs qui sont passes a la garde avec moi, l'ont deja quitte. — Enfin je suis passablement decourage, et je desire meme quitter Petersbourg au plus vite, pour aller n'importe ou, que ce soit au regiment ou au diable; j'aurai au moins alors un pretexte pour me lamenter, ce qui est une consolation comme une autre.

Ce n'est pas tres joli de votre part que vous attendez toujours ma lettre pour m'ecrire; on dirait que vous faites la fiere; — pour Alexis cela ne m'etonne pas, car il va se marier un de ces jours ci avec je ne sais plus quelle riche marchande, comme on le dit ici, et je concois que je ne puis pas esperer d'avoir dans son c?ur une place pareille a celle d'une grosse marchande en gros. Il m'avait promis de m'ecrire deux jours apres mon depart de Moscou, — mais peut-etre a-t-il oublie mon adresse, aussi je lui envoie deux:

1) В С.-Петербург: у Пантелеймоновского моста на Фонтанке, против Летнего сада, в доме Венецкой.

2) В Новгородскую губернию, в первый округ военных поселений в штаб Лейб-гвардии Гродненского гусарского полка.

Si apres cela il ne m'ecrit pas, je le maudis lui et sa grosse marchande en gros: je m'applique deja a composer la formule de ma malediction. Dieu! que c'est embarrassant d'avoir des amis qui sont en train de se marier.

En arrivant ici j'ai trouve un chaos de commerages dans la maison; j'y ai mis de l'ordre autant que possible, quand on a a faire a trois ou quatre femmes qui ne veulent pas entendre raison: pardonnez — moi, si je parle ainsi de votre sesque ou sexe charmant, mais helas! si je vous le dis c'est aussi une preuve que je vous crois une exception. — Enfin quand je reviens a la maison, je n'entends que des histoires, des histoires — des plaintes, des reproches, des suppositions, des conclusions, — c'est quelque chose d'odieux, pour moi surtout qui en ai perdu l'habitude au Caucase, ou la societe des dames est tres rare, ou tres peu causante (celle des georgiennes par ex, car elles ne parlent pas russe, ni moi georgien).

Je vous prie, chere Marie, ecrivez-moi un peu, sacrifiezvous, — ecrivez-moi toujours, et ne faites pas de ces petites ceremonies — vous devez etre au-dessus de cela! — car enfin si quelquefois je tarde a repondre, c'est que vraiment ou je n'ai rien a dire, ou j'ai trop a faire! — deux excuses valables.

J'ai ete chez Joukofsky, et lui ai porte Тамбовскую казначейшу qu'il m'avait demande, et qu'il porta a Wiazemsky pour lire ensemble; cela leur a beaucoup plu, — et cela sera insere au prochain numero du Современник.

Grand'maman espere que je serai bientot passe au husard de Царское Село, mais c'est parce que on le lui a fait esperer, dieu sait avec quel motif — et c'est pour cela qu'elle ne consent pas a ce que je prenne mon conge: quant a moi je n'espare rien du tout.

Pour la conclusion de ma lettre je vous envoie une piece de vers que j'ai trouvee par hasard dans mes paperasses de voyage, et qui m'a plu assez, vu que je l'ai oublie, — mais cela ne prouve rien du tout.


МОЛИТВА СТРАННИКА

Я, матерь божия, ныне с молитвою,
Пред твоим образом, — ярким сиянием, —
Не о спасении, не перед битвою,
Не с благодарностью иль покаянием;

——

Не за свою молю душу пустынную,
За? душу странника в свете безродного: —
Но я вручить хочу деву невинную
Теплой заступнице мира холодного.

——

Окружи счастием счастья достойную,
Дай ты ей спутников полных внимания,
Молодость светлую, старость покойную, —
Сердцу незлобному мир упования;

——

Срок ли приблизится часу прощальному,
В утро ли шумное, в ночь ли безгласную,
Ты восприять пошли к ложу печальному
Лучшего ангела душу прекрасную.

Adieu, chere amie — embrassez Алексия, et dites lui que c'est une honte, — et dites le aussi a mademoiselle Marie Lapouchine. —

M. Lerma.