Письмо Лермонтова Лопухиной М. А.


<31-го мая 1837 г.>

Je tiens exactement ma promesse, chere et bonne amie, et je vous envoie ainsi qu'a madame votre s?ur les souliers circassiens que je vous avais promis; il y en a six paires, et vous pouvez facilement partager sans vous quereller; je les ai achettes des que j'ai pu en trouver; je suis maintenant aux eaux, je bois et je me baigne, enfin je mene une vie de canard tout-a-fait. Dieu veuille, que ma lettre vous trouve encore a Moscou, car si elle va voyager en Europe a vos trousses, elle vous attrapera peut etre a Londres, a Paris, a Naples, que sais-je, — et toujours dans des endroits ou elle sera pour vous la chose la moins interessante, de quoi dieu la garde et moi aussi. — J'ai ici un logement fort agreable; chaque matin je vois de ma fenetre toute la chaine des montagnes de neige et l'Elbrous; et maintenant encore, au moment ou j'ecris cette lettre, je m'arrete quelques fois pour jeter un coup d'oeil sur ces geants, tant ils sont beaux et majestueux. J'espere m'ennuyer joliment tout le temps que je passerai aux eaux, et quoiqu'il est tres facile de faire des connaissances je tache de n'en pas faire du tout; je rode chaque jour sur la montagne, ce qui seul a rendu la force a mes pieds; aussi je ne fais que marcher; ni la chaleur ni la pluie ne m'arretent... Voici a peu pres mon genre de vie, chere amie, ce n'est pas fort beau, mais... — des que je serai gueri j'irai faire l'expedition d'automne contre les circassiens, quand l'empereur sera ici...

— Adieu, chere, je vous souhaite beaucoup de plasir a Paris et a Berlin. — Alexis a-t-il recu sa permission; — embrassez le de ma part — adieu.

Tout a vous M. Lermontoff.

P. S. De grace, ecrivez-moi — et dites si les souliers vous ont plu.