| |
Письмо Лермонтова Карамзиной С. Н.<Stavropol> Le 10 mai <1841 r.> Je viens d'arriver à Stavropol, chère M-elle Sophie, et je reparts le jour même pour l'expédition avec Stolipine Mongo. Souhaitez moi du bonheur et une légère blessure, c'est tout ce que l'on peut me souhaiter de mieux. J'espère que cette lettre vous trouvera encore à St. Pétersbourg et qu'au moment où vous la lirez je monterai à la brèche de Черкей. Comme vous avez de profondes connaissances en géographie je ne vous engage pas à regarder la carte, pour savoir où c'est; mais pour aider votre mémoire je vous dirai que c'est entre la mer Caspienne et la mer Noire, un peu au sud de Moscou et un peu au nord de l'Egypte, et surtout assez près d'Astracan, que vous connaissez si bien. Je ne sais si cela durera; mais pendant mon voyage j'ai été possédé du démon de la poésie, idem, des vers. J'ai rempli d'à moitié un livre que m'a donné Odoevsky, ce qui m'a porté bonheur probablement; je suis allé jusqu'à faire des vers français, — oh! dépravation! Si vous voulez je vous les écrirai ici; ils sont très jolis pour des premiers vers; et dans le genre de Parny, si vous le connaissez. L'ATTENTE Je l'attends dans la plaine sombre; Au loin je vois blanchir une ombre, Une ombre, qui vient doucement... Eh non! — trompeuse espérance! — C'est un vieux saule, qui balance Son tronc desséché et luisant. Je me penche, et longtemps l'écoute; Je crois entendre sur la route Le son, qu'un pas léger produit... Non, ce n'est rien! C'est dans la mousse Le bruit d'une feuille, que pousse Le vent parfumé de la nuit. Rempli d'une amère tristesse, Je me couche dans l'herbe épaisse Et m'endors d'un sommeil profond... Tout-à-coup, tremblant, je m'éveille: Sa voix me parlait à l'oreille, Sa bouche me baisait au front.
T<out> à V<ous> Lermontoff. |